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" Pourquoi se limiter à un
quand il y a 360 degrés possibles”
Zaha Hadid


Shift Centre (Maquette) - Ramoma Art Gallery Nairobi
maquette chorégraphique pour 3 danseurs interprètes

Shift Centre - Series 1 Nairobi July 2005
chorégraphie pour 8 danseurs et 2 chanteuses

Shift Centre - Series 2 Limoges September 2005
chorégraphie pour 7 danseurs et 1 chanteuse


Shift Centre - Series 3, Caen/Orléans, December 2005
chorégraphie pour 4 danseurs et 1 musicien
artistes invités Faustin Linyekula, Seydou Boro,
Salia Sanou, Aïcha Mbarek, Hafiz Dhaou

Shift Centre - Series 4, Paris, April 2006
chorégraphie pour 6 danseurs et 1 chanteuse
artiste invité Moeketsi Koena


Shift Centre - Series 5, Joburg/Durban/Maputo, August/September 2006

chorégraphie pour 5 danseurs et artistes invités


 
Shift Centre
Direction artistique: Opiyo Okach
pièce pour un nombre variable d'interprètes
Scénographie : Jean-Christophe Lanquetin
Installation : Polska



> télécharger le dossier complet en pdf (anglais)



Shift… Centre est une oeuvre de composition instantanée avec possibilité d’un nombre variable d’interprètes (danseurs, musiciens, vidéastes, etc.) ; une performance chorégraphique modulable, conçue pour être présentée dans des espaces de représentation non conventionnels. L’espace y est approché comme entité fragmentée multidirectionnelle, sans point focal central, sans lignes de démarcation ou de costumes susceptibles de distinguer les interprètes du public, ni la scène de l’auditorium, et sans notification de début et de fin. La chorégraphie invite à transformer les espaces scéniques traditionnels ou à les quitter pour investir les lieux publics les plus variés. Des événements multiples et parfois simultanés s’y déroulent ; de durée variable et localisés dans différentes parties de l’espace investi, ils sont destinés à être vécus comme une accumulation d’événements fragmentés. Les particularités architecturales du lieu et du contexte de l’événement sont prises en compte : les structures, offrant des cadres visuels et des obstacles physiques, sont utilisées pour révéler ou obstruer les lignes visuelles. De même, les sons naturels de l’espace sont introduits dans la création sonore de la représentation. Les espaces sont occupés à la fois par les artistes et le public, qui peuvent s’y déplacer, le public étant libre de choisir les événements qu’il souhaite voir.
La chorégraphie est axée autour de la mixité culturelle, de la notion d’identité, de la diversité des points de vue, et de la manière dont ce contexte de mixité agit sur la perception d’un espace physique à travers les notions de corporéité, de territoire, d’appartenance.


Résolument expérimental, Shift…Centre se situe au carrefour de la danse et de la performance. Fondée sur l’improvisation et la composition instantanée, cette pièce interroge un double rapport : entre « espace et perception » et entre « perception et identité ». Deux questions qui guident les recherches chorégraphiques d’Opiyo Okach depuis plusieurs années.

Pluri-dimensionnalité de l’espace et des identités

Sa précédente création, Abila (en 2002) investiguait déjà, par le biais de projections vidéo, la pluri-dimensionnalité de l’espace et des identités. Cette fois, le chorégraphe va plus loin.

Grâce à un subtil dispositif scénographique – que l’on doit au talentueux Français Jean-Christophe Lanquetin – qui morcelle l’espace par des panneaux mobiles et translucides, l’approche se veut encore plus radicale.

Shift…Centre fait fi des conventions habituelles de représentation : pas de frontière scène-salle, pas de lignes de démarcation ou de costumes susceptibles de distinguer les interprètes du public, pas de notification de début ou de fin de la pièce. À la place, les spectateurs sont invités à déambuler librement dans l’immense salle vide où sont dispersés les cinq interprètes (quatre hommes et une femme).


Questionner l’idée d’espace, remettre en cause les modes de représentation spatiaux où il n’y a qu’une façon de voir, qu’un seul lieu pour la vérité, est au cœur de la démarche de Shift. Comment permettre aux choses d’être perçues de différents points de vue pour empêcher de les formater ? Ne voir que d’une seule façon est une tyrannie du regard imposée par les conventions dominantes de représentation. Cela contraint non seulement le public mais aussi l’artiste dans sa manière de créer et de percevoir.

Improvisation


À l’inverse, le spectacle propose une approche fragmentée et multidirectionnelle de l’espace. Les danseurs improvisent en jouant non seulement avec l’agencement des panneaux et de quelques intrigantes sculptures en bambou – œuvres de la plasticienne française Polska – mais aussi avec la disposition mouvante du public. Il n’y a plus de point focal central mais un nombre incalculable d’événements qui se produisent simultanément : petits et grands, officiels et officieux. Chacun regarde ce qui lui parle : un danseur, le reflet changeant d’un corps sur un panneau, l’étrange tableau d’ensemble ou encore les enfants qui, se sentant vite à l’aise dans ce dispositif, s’aventurent hors du public et se mettent à danser à leur tour… La poésie surgit ainsi de cette liberté, de cette démultiplication des points de vue qui sait restituer la magie de l’instant, du hasard, du présent.

Dimension politique…

Shift… Centre constitue ainsi l’expérience de l’être au monde dans un lieu ici et maintenant et le partage de cette présence. Mais sa portée ne s’arrête pas là. Cette pièce n’est pas une simple déclaration esthétique au sujet de l’espace. Elle évoque aussi la réalité politique et sociale. C’est sans doute par cette dimension que le travail du chorégraphe trouve tout son sens.
Depuis plusieurs années, Opiyo Okach affirme artistiquement un double credo : celui de réalité et d’identité multiples, et son corollaire, un certain relativisme culturel qui appelle la tolérance.

En Afrique, nous sommes dans une position où nous sommes constamment exposés à une multiplicité de réalités et de façons d’être, explique-t-il. Nous vivons au quotidien avec la tradition, l’islam, la chrétienté, MTV… Il est courant de parler quatre langages différents. […] Lorsque je mets ma casquette traditionnelle africaine, j’accepte la réalité d’une certaine manière. Avec ma casquette chrétienne, je l’appréhende d’une autre façon. De même, quand je suis à Nairobi, je fonctionne différemment que lorsque je me trouve au village. À Paris, c’est encore autre chose. Nous acceptons toutes ces facettes comme des façons d’être valides. Comment se fait-il que dans l’art de la représentation, dans nos pratiques artistiques, nous abandonnions soudain cette expérience de réalité multiple ?

Opiyo Okach a toujours pris soin d’explorer cette richesse, cette mixité culturelle. Au fil des pièces, il dévoile les différentes facettes de son identité : kenyane, européenne, urbaine, liée aux traditions du peuple luo dont il est originaire… Cette dernière création n’échappe pas à ce principe. Tant par les origines des artistes qu’elle réunit (Kenya, Éthiopie, Tanzanie, France) que par la diversité des champs artistiques qu’elle met en scène (danse, musique, chant, vidéo, sculpture). Okach télescope les frontières avec jouissance.

À Limoges, l’un des moments les plus forts est d’ailleurs né de la présence d’une vieille chanteuse traditionnelle kenyane : Ogoya Nengo. Vêtue d’une longue robe en coton tissé écru et portant un large collier de perles artisanal, elle s’est mise lentement à parcourir l’espace en chantant. Arrivée à proximité d’un danseur, ce dernier modifiait insensiblement sa gestuelle jusqu’à adopter l’esquisse d’un pas en parfaite harmonie avec le chant. Fragiles retrouvailles, affleurement d’une identité en sommeil.

Le centre du monde n’est pas seulement en un lieu. Le centre n’est pas là où nous sommes. Il est fragmenté. Il s’agit d’accepter la réalité comme phénomène multiple, toujours en mouvement, dont nous ne pouvons percevoir qu’un fragment à la fois, rappelle le chorégraphe. Aujourd’hui, des situations sociales suggèrent qu’il existe un centre du monde, qu’il n’y a qu’une seule façon de voir. Le danger est que cet endroit croit détenir la vérité, connaître ce qui est correct ou mauvais.

Pourquoi se limiter à un quand il y a 360 degrés possibles ?
demande Okach, reprenant une citation de l’architecte Zara Hadid. Sa danse est à l’image de cette question. Elle n’a rien de didactique, de démonstratif ni de spectaculaire. Guidée par l’instant, exploration fluide et souple de l’espace, debout comme au sol, reflet d’un souffle bien plus que certitude d’un résultat.

Ayoko Mensah

Extraits d'interview avec Opiyo Okach
lire toute l'interview

Réalité plurielle
En Afrique, nous sommes constamment exposés à une multiplicité de réalités et de façons d’être. Nous vivons avec la tradition d’un côté, et nous vivons avec l’Islam, la Chrétienté, MTV… Il n’est pas extraordinaire de parler quatre langages différents et de vivre quatre différentes cultures dans la réalité quotidienne. Cela engendre une façon de percevoir où il apparaît naturel que la réalité soit multiple, une conscience que la vérité dépend de là où l’on se place. Et nous acceptons tout comme étant des façons d’être valides.
Comment cela se peut-il que dans l’art de la représentation, dans nos pratiques artistiques, nous n’acceptions pas cela, que soudainement nous abandonnions ce concept de réalité multiple ?



L'idée de multiplicité déclinée dans Shift Centre
Shift Centre est la continuation de cette idée de multiplicité. La vérité est multiple. La perception subjective. La situation d’être capable d’accepter qu’un objet donné possède différentes facettes et que nous, en tant qu’être humains nous possédons toujours différents niveaux d’être au monde. Rien n’existe sous un seul et unique état. Tout existe sous différentes formes lesquelles sont également valides.
Dans Shift Centre, ce questionnement entre la perception et l’espace, entre la perception et l’identité est devenu le cœur de la pièce. Pour permettre que les choses soient vues de différents points de vue, pour faire en sorte que les choses ne soient pas formatées d’une façon. Parce que je pense que de ne voir que d’une seule façon est une tyrannie de la perception imposée par les conventions dominantes de présentation et de construction de la représentation. Dans ces conventions ce n’est pas seulement le public qui est contraint dans une façon de regarder, de voir, d’expérimenter mais aussi l’artiste qui est contraint dans une façon de construire et dans une manière de percevoir.


Un enjeu politique et social : Le danger aujourd’hui est que le centre du monde se situe à un seul et même endroit...

Il ne s’agit pas seulement d’une question d’espace ou d’une question de pure forme. Pour moi la question se pose donc aussi en terme de réalités politiques. « Vous êtes soit avec nous, soit avec l’ennemi » par exemple (G.W Bush). Des situations sociales actuelles suggèrent que quelque-part il n’y a qu’une seule façon de voir. Le danger qui revient aujourd’hui est que le centre du monde se situe à un seul et même endroit, un endroit qui détient la vérité, qui croit connaître ce qui est incorrect et qui définit ce qui est mauvais. Shift Centre n’est pas une simple déclaration esthétique au sujet de l’espace, c’est aussi une déclaration au sujet de la réalité politique et sociale. Le centre du monde n’est pas seulement en un lieu. Le centre n’est pas là où nous sommes. Le centre est fragmenté. Nous ne pouvons percevoir qu’un fragment de réalité à la fois.

Improvisation et liberté de perception: stratégie pour générer une multitude de possibles
L' improvisation, qui perfectionne la stratégie capable de produire une multitude de mouvements et de possibles et non à perfectionner le et figer le résultat lui-même, offre ce champ de liberté.

Laisser la danse se produire dans l'instant
Dans Shift Centre, il existe un principe sous-jacent qui domine la pièce et génère le mouvement : commencer à mouvoir de façon consciente et délibérée une partie du corps jusqu’au moment où c’est le corps lui-même qui me fait évoluer dans l’espace. Il s’agit de la question de savoir si c’est moi qui anime le corps ou si c’est le corps qui se meut lui-même dans l’espace. Il se crée un phénomène cyclique où le corps génère son propre mouvement contrairement à une intention consciente et délibérée. Et on laisse la danse elle-même se produire dans l’instant.


Multi-spatialisation
La question est posée en terme d’espace, en terme de représentation, en terme d’arrivée du public, en terme de relation avec le temps de représentation, avec l’aspect de la représentation que le public va voir. Même avec une représentation frontale où tout est déplié en face de soi, on ne voit jamais tout. Je voulais pousser ce raisonnement un peu plus loin, prendre en compte que lorsque nous sommes dans un espace donné notre perception de ce qui se passe dans l’espace n’est pas seulement liée à ce qui se passe devant nous mais aussi à ce qui se passe derrière nous, ou dehors. La question se pose en terme visuel, en terme d’image mais aussi en terme sonore.

Gàara Projects : missions
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