No
man’s gone now - Le Vif du Sujet
production Sacd/Festival d'Avignon
Opiyo Okach, interprète - Julyen Hamilton, chorégraphe
No
Man’s Gone Now a été créé pour le
Festival d'Avignon 2003 dans le cadre du programme Sacd (Société
des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) "Le Vif du Sujet". La
particularité de cette manifestation réside dans le fait qu'un
interprète initie la rencontre de son choix pour faire naître
un solo. Dans
le solo ‘No Man’s Gone Now’, Opiyo
Okach a choisi de travailler avec Julyen Hamilton sur l'improvisation
et la composition instantanée, mettant en question la relation interprète-auteur/danseur-chorégraphe.
Cette oeuvre de composition instantanée, créée à
l'origine pour un théâtre de plein air au Festival d'Avignon,
est conçue pour adopter et se nourrir du caractère des différents
espaces dans lesquelles elle est présentée.
Elle peut se jouer aussi bien dans des théâtres fermés,
que dans des espaces de plein air non théâtraux.
Interprétation:
Opiyo Okach
Chorégraphie, Texte, Bande son: Julyen Hamilton
Lumières: Clement Goguillot
Musique: Jacques Foscia, Micheal Moore, Alex Maguire,
Benat Achiary, Kent Carter, David Holmes
Costumes: Julyen Hamilton & Opiyo Okach
Production: SACD, Festival d'Avignon
Remerciements: L’Animal a l’Esquina,
Centre National de la Danse
Comment
avez-vous vécu jusqu’alors le rapport au solo dans votre
cheminement d’interprète ? Opiyo Okach : Dès lors que j’ai abordé le
mime et le théâtre physique, je me suis retrouvé à
créer et à interpréter mon propre travail. Je n’avais
pas choisi de devenir un artiste soliste. Il n’y avait tout simplement
pas d’autres personnes poursuivant ce type de cheminement à
Nairobi, où j’ai débuté. C’est devenu
un mode de réalisation à côté du travail de
groupe dans lequel je découvre une liberté de choix personnel
différente. Mais, à l’opposé du narcissisme,
le fait d’être « seul » sur scène accentue
le rôle et la présence de « partenaires invisibles
». Il permet de mieux considérer les particularités
d’un lieu et la présence de différents publics comme
des partenaires actifs influençant l’évolution et
la dynamique du choix. Le travail en soliste m’a amené à
m’intéresser à la relation entre l’événement,
le temps, le lieu et le caractère éphémère
de la représentation. Le fait qu’une action ne produise pas
toujours le même résultat est une réalité tellement
élémentaire qu’il semble étrange de l’exclure
par défaut comme une stratégie de la représentation.
Il semble, en effet, contradictoire d’y voir le moyen de construire
un futur fondamentalement prédéterminé, un passé
reconstruit ; particulièrement lorsque l’intention est de
produire l’illusion du moment présent.
Vous
avez choisi de travailler avec Julyen Hamilton. Comment en êtes-vous
arrivé à ce choix ? Opiyo Okach : J’ai rencontré Julyen en participant
à l’un des ses ateliers de composition instantanée.
Je ne me souviens pas d’autres expériences ayant généré
chez moi un tel courant d’énergie créatrice. Je
n’avais jamais interprété les pièces d’autres
personnes ; le fait d’être l’outil d’un chorégraphe,
au sens traditionnel, est quelque chose qui me fascine peu. Mon choix
était en grande partie fondé sur l’idée
que je ne danserai pas de solos de Julyen et qu’il ne dirigerait
aucun des miens. J’étais attiré par la possibilité
d’une collaboration artistique authentique.
Pouvez-vous
nous parler du passage entre « se chorégraphier en solo »
et créer un solo pour un autre que soi ? Comment aborder ce passage
? Julyen Hamilton : Créer un solo pour soi-même représente
un processus très organique et intime qui est assez mystérieux
… D’une certaine manière, je désire que cela
reste ainsi car je suis plus intéressé par le résultat
que par le processus qui y conduit. Certaines questions liées à
la théâtralité m’intéressent. Ce sont
celles que je continue à explorer et à exposer dans ce solo
avec Opiyo : d’une part, le soliste n’est paradoxalement jamais
seul sur scène, il est toujours observé par le public devant
lequel il joue, quel que soit le mode de présentation qu’il
utilise. La situation consistant à regarder une personne tout à
la fois « seule » et « pas seule » est donc immanquablement
source de tension, aussi ténue soit-elle. D’autre part, le
soliste et son rapport à la biographie/autobiographie : joue-t-il
autobiographiquement par défaut, dans la mesure où aucun
autre personnage n’est présent sur scène pour l’«
appeler » par un autre nom que le sien ? Un interprète seul
peut-il créer une situation dans laquelle le public le perçoit
comme non-biographique ? Je pense que l’on naît soliste. Cela
découle d’une personnalité particulière, d’une
capacité intrinsèque à communiquer vers soi-même
tout en s’exposant au public. Depuis quelques années, tous
les solos que je réalise pour moi-même (près de 175
depuis 1995) ont été faits dans le cadre d’un processus
immédiat de composition. La chorégraphie est créée
pendant la représentation, face au public, jamais répétée
et jamais reproduite. J’utilise le même concept dans la pièce
pour Opiyo. Pendant les répétitions, je suis évidemment
détaché de l’action, je sers d’observateur extérieur.
Cette position me permet d’intervenir sur la qualité émotionnelle
de l’oeuvre en devenir. Sans ce regard étranger, le processus
de création dépend bien plus de la confiance que l’on
se porte à soi-même et de la rigueur à laquelle l’on
s’astreint dans le cadre d’une objectivité forcément
relative. Dans ce travail, nous cherchons à enrichir la substance
chorégraphique et humaine de la pièce dont la composition
verra le jour à l’instant même de la représentation.
Julyen
Hamilton
Formé
à la danse à Londres, dans les années 1970, Julyen
Hamilton interprète de nombreuses performances novatrices à
travers l’Europe et collabore avec des compagnies et artistes du monde
entier, tout en créant des solos et en dirigeant sa propre compagnie.
Son travail est basé sur la création de pièces instantanées,
sur la pratique de l’improvisation. Régulièrement invité
dans les centres de formation, il y enseigne ses techniques. Installé
aujourd’hui à Gironé, en Espagne et à Amsterdam,
il est reconnu comme l’un des principaux improvisateurs européens.
Depuis les années 1980, il collabore avec les musiciens live : Barre
Phillips, Fred Frith, La Quan Winh, Tristan Housenger, Alfred Spirli, Micha
Mengleberg… Avec son solo 40 monologues, créé à
Londres en 1995, il fait une tournée mondiale. Développée
depuis 2000, la série de solos Suite, nommés et créés
individuellement en fonction de l’espace de présentation est
une continuité de ce succès mondial. Parmi ses dernières
autres créations : La Langue des oiseaux, Libro en 1997, Pré-sent
passés, Life with Toky, Sophie’s move en 1998, Something between
us en 1999, Spain en 2001.